la grande sortie

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TITJO
         
         
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la grande sortie

Message par TITJO »

ça fera bientôt 60 ans - certains souvenirs ont la vie dure...


Ça sent le foin.

Et la sueur.

La poussière de foin colle sur nos peaux moites et nous pique partout. Nous voilà blottis dans une grange, quelque part entre le lac de Retournemer et la Roche du Diable par une nuit très noire. Il fait lourd et l’orage tonne dans le lointain. Malgré la chaleur, nous nous enveloppons entièrement sous notre couverture pour nous protéger des attaques des moustiques. Normalement, entre deux journées de marche, le mieux serait de dormir, mais malgré la fatigue et le sommeil qui alourdit mes membres, je n’y arrive pas.
Avec mes copains de colo, aujourd'hui nous venons d’effectuer à pied à peu près la moitié de la distance entre Bouvacôte et la Schlucht, soit une quinzaine de kilomètres. Demain nous grimperons pratiquement jusqu’à l’arrivée. Nous avons tous plus ou moins neuf ans et dans le groupe l’ambiance est assez bonne. La plupart des garçons se connaissent déjà bien car nous venons du même quartier de Nancy, et aussi presque tous de la même école communale. Certains se sont endormis et ronflent comme des bienheureux. Sacrés veinards !
Car moi je ne dors pas. Je ne me sens pas bien du tout. La marche sur le bord de la route à l’asphalte brûlant me cuisait les pieds chaussés seulement de sandales. Alors à chaque occasion, que ce soit un ruisseau ou une fontaine, je les rafraîchissais en les trempant, si bien que le frottement des sangles mouillées a provoqué des ampoules, plusieurs à chaque pied. Mes mollets sont rouges, chauds, intouchables, à cause des coups de soleil. Mais surtout, le plus pénible à ce moment, c’est la « va-vite », avec des nausées qui annoncent des besoins de renvoyer la classe, des vertiges, des gargouillis impétueux. Coincé parmi ces corps assoupis, je crains de ne pas m’évacuer assez vite. Que s’est-il passé ? Est-ce ce jambon tiède de midi que j’ai englouti à contrecœur ? Ou l’eau de ma gourde en fer blanc dont je refaisais le plein à chaque occasion, profitant de petites cascades accessibles sur notre passage ? Ou cette soupe aux lentilles avec des lardons que le paysan qui nous héberge avait préparée et qui nous fut versée dans nos quarts ? Maintenant des frissons parcourent ma tête. Il est urgent que je file vers l’extérieur. Il fait très noir et je me sens perdu. Dehors l’orage se rapproche et le chien de la ferme ponctue chaque coup de tonnerre d’un aboiement plaintif. Le vent commence à siffler en s’engouffrant dans les clairevoies du bâtiment.
J’appelle :
- Chef Michel !
Après quelques secondes le mono grogne. Je l’ai réveillé, et probablement pas que lui… Il projette sa torche vers moi.
- Qu’est-ce qui a ?
- Je dois sortir, c’est très urgent. Mais il faut m’éclairer et m’aider à ouvrir la porte cochère.
- Bon, viens par-là, me répond-t-il à voix feutrée. Essaie de ne pas réveiller tes camarades en les piétinant.

A peine ai-je mis le pied devant le local que plié en deux, je m’épanche sans retenue sous le regard préoccupé du chef Michel qui me tient compagnie avec sa lampe de poche.

- Tu aurais quand même pu aller vomir un peu plus loin, ailleurs que devant la sortie !

Comme si j’avais choisi…



- Chef Michel, je veux rester dehors car je sens que ce n’est pas fini. Vous avez du papier hygiénique ? ça me presse par tous les étages.

- Oui, ne bouge pas, je reviens.

Me voilà seul dehors dans la nuit. Je frissonne et voudrais bien me rincer la bouche. Maintenant les éclairs arrivent au-dessus de la ferme et le tonnerre fait vibrer le sol. Le chien s’est tu. Des bourrasques lèvent la poussière jusqu’à ce que de grosses gouttes tièdes, d’abord éparses, viennent marteler le toit du hangar. Le chef Michel ressort avec une petite pile de fines feuilles pliées et me les tend.

- Ne traîne pas, ça va dégringoler.

Pour ne pas traîner, ça non ça ne traîne pas. A peine a-t-il tourné le dos que je dois m’accroupir pour cette fois me vider par le bas. Je suis effrayé par la nuit, par l’orage, par ce qui m’arrive. En quelques instants une pluie torrentielle me sauce complètement. Alors je ne m’éloigne pas du seuil. Tant pis. Et c’est ainsi que je passerai une grande partie de la nuit à me coller contre le mur pour être moins arrosé entre d’incalculables périodes d’accroupissement en évitant de m’éloigner.

Quand l’aube arrive, l’orage est passé, je suis exténué, trempé jusqu’aux os, gelé. Je profite de la lueur pour retourner à ma place dans le foin sans déranger les dormeurs. Je m’assoupis enfin.

Puis peu plus tard la fermière vient avec une marmite de café au lait fumant. C’est le moment de nous lever et de tendre à nouveau nos quarts. Nous les frottons d’abord avec une poignée de foin pour les nettoyer des restes de soupe aux lentilles de la veille. Mais rien que les effluves m’écœurent et je préfère rester à jeun. Mon copain Maurice saisit mon quart et va le remplir en m’expliquant que lui a bien dormi, qu’il a très faim, que l’ascension de la Schlucht nous attend et qu’il boira mon jus à ma santé. Puis il ajoute avec un clin d’œil qu’il pendra aussi mon tour pour porter le sac-à-dos que nous partageons pour cette équipée. C’est vraiment un bon copain.

Quand les colons commencent à s’égayer à l’extérieur en direction de l’abreuvoir où il est prévu de se laver, ils doivent affronter la fraîcheur, le brouillard, mais surtout slalomer entre les multiples dégueulures et « sentinelles » marquées par du papier hygiénique éparpillées autour de l’entrée. Moi-même je n’en reviens pas. Heureusement que la pluie d’orage a commencé le nettoyage !

Dès que tout le monde est prêt, la petite troupe se met en route, saluée par la fermière qui pose ses bidons de lait pour nous faire signe avec ses mains.

Le chef Michel m’a fait retirer mes habits mouillés et m’a prêté des vêtements secs empruntés à l’un et à l’autre. Mais ce matin il n’y a pas de soleil et je grelotte. Nous partons à l’assaut de la montagne en direction du Collet. Nous savons que ça va grimper jusqu’à l’arrivée. Au loin nous ne pouvons pas voir les sommets perdus dans les nuages. C’est là-haut que nous allons. Un bus nous attendra en haut du col pour nous ramener à la colo.

Les ampoules aux pieds me font l’effet de déchirements à chaque pas. Mais je ne suis pas le seul à m’en plaindre. Nous en avons tous. Je marche à côté de mon copain Maurice qui n’arrête pas de parler, de tout, de rien. Il est intarissable. C’est la première fois qu’il va à la Schlucht et ça l’excite. Jamais il n’est allé aussi haut ! Et à pied s’il vous plaît !

De mon côté je préfère rester silencieux. La gorge me brûle. J’ai du mal à déglutir. Et j’ai pourtant très soif. Et aussi une sensation de bourdonnement, d’irréalité. Je songe à mon lit chez moi, à Nancy, à ma mère qui m’apporte une tisane fumante sucrée au miel de Provence et qui sent la cannelle. J’ai envie d’aller m’assoir sur le bord de la route et d’attendre je ne sais pas quoi. De m'arrêter.

Nous marchons, marchons et atteignons les nuages. Il fait très frais. Le chef Michel nous encourage. Chemin faisant il se retrouve avec quatre sacs à dos : un dans le dos, un devant et un à chaque bras. J’espère que quand j’aurai son âge, environ dix-huit ans, je serai aussi fort que lui. Il lance des chansons de marcheur pour nous donner du cœur au ventre et parcourir les derniers kilomètres avec entrain.

Enfin, après une grosse matinée, nous parvenons aux derniers virages du col de la Schlucht. Certains garçons pleins d’énergie poussent des clameurs de victoire et se mettent à courir en coupant par les talus malgré les protestations de monos. Un moniteur-séminariste, infirmier de la colo en soutane descend à notre rencontre en souriant. Le chef Michel me désigne du doigt. L’infirmier me saisit la main et m’entraîne vigoureusement jusqu’au car qui arrêté sur l’aire de stationnement. Il m’enveloppe avec une couverture et me tâte la gorge, explore de fond de ma bouche.

- Tu as une belle angine, déclare-t-il. Nous allons la soigner ainsi que ta gastro-entérite dès notre retour et d’ici quelques jours tout ira bien.

Il avait raison. Je repris très vite le cours de mes vacances où d’autres aventures nous guettaient.
Modifié en dernier par TITJO le jeu. juil. 23, 2015 8:36 am, modifié 3 fois.
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boud
      
      
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Re: la grande sortie

Message par boud »

merci TITJO :wink: , frais et rafraichissant malgré la sueur et l'odeur du foin :wink: , un vrai plaisir à lire :D
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boud
      
      
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Re: la grande sortie

Message par boud »

alors, la suite ?...hé, je voulais pas dire " frais et rafraichissant ", je voulais dire " poignant de réalité et rafraichissant " :wink:
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ptit chat
         
         
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Re: la grande sortie

Message par ptit chat »

super ! et bravo ! on s'y croirait ...çà fait comme si on lisait notre livre de l'eté !

allez ! chapitre 2 car on est impatient ! :wink:
allez ! un ptit zeste de bonne humeur pour faire plaisir et sourire !
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apie
         
         
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Re: la grande sortie

Message par apie »

ptit chat a écrit :super ! et bravo ! on s'y croirait ...çà fait comme si on lisait notre livre de l'eté !

allez ! chapitre 2 car on est impatient ! :wink:
+1
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TITJO
         
         
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Re: la grande sortie

Message par TITJO »

Bon - d'accord - chapitre 2

La cabane

Le matin, après avoir tous ensemble épluché les patates au réfectoire, nous avions des « ateliers » (créatifs) - atelier-moulages de plâtre pour confectionner les nains de jardin à peindre une fois qu’ils étaient secs – atelier-argile pour modeler des cendriers – atelier-rotin – atelier-théâtre – atelier-vitraux en carton et papier translucide – atelier-photo sans appareil photo – atelier-nature spécialisé dans la confection de vivariums – atelier cerfs-volants – atelier-cabanes…
C’est le frère PHAN, un séminariste en soutane d’origine asiatique, qui animait l’atelier cabanes. Mais il était aussi très doué pour fabriquer des cerfs-volants et chantait en s’accompagnant d’un clinquant bandonéon. Il ne connaissait qu’une chanson en français : TOM PILLIBI - du coup, les colons ont tous appris Tom Pillibi.
Ceux qui le souhaitaient ont donc fréquenté l’atelier-cabane – j’en fis partie.
D’abord dans la forêt, le frère PHAN s’installait sur une aire d’environ 5-6 m² entourée d’arbres jeunes encore souples, comme des noisetiers ou des bouleaux – il dénudait les troncs sur une paire de mètres puis on l’aidait à les incliner pour qu’ils convergent au-dessus de la surface et il les nouait au-dessus de lui en un bouquet avec des lianes forestières, par exemple du chèvrefeuille, que nous devions trouver et lui rapporter – nous comblions les parois extérieures avec des branchages sur le pourtour, en préservant un accès libre entre deux des troncs – pour la finition, le sol devait être recouvert d’un tapis de feuilles de fougères. Et ça sentait bon.
Le mieux pour récolter des feuilles de fougère, c’est de les couper à la base avec un canif – un beau canif que tout colon qui se respecte a dans sa poche, relié au ceinturon par une petite chaine en acier pour ne pas le perdre – j’avais perdu le mien au tout début du séjour, mais je voulais quand même apporter des fougères au frère PHAN – Et on m’avait pourtant prévenu : les tiges de fougère déchirées, ça coupe ! Comme pour me conformer à la rumeur, je me suis profondément entaillé un doigt et ça saignait beaucoup !
Bah, quand on est un homme (des bois), on ne se plaint pas ! J’ai d’abord trempé ma main dans l’eau d’un ruisseau, puis enduit ma blessure de résine de sapin et l’ai enrobée avec mon mouchoir – il n’y avait plus qu’à attendre que ça cicatrise.
Mais après une paire de jours, le doigt s’est mis à enfler – puis une vive douleur a envahi la main, le poignet – c’était très handicapant mais face aux copains, je ne voulais pas passer pour une chochote, je supportais… jusqu’à cette nuit où tout le bras est devenu douloureux – et surtout je ne pouvais plus l’écarter du corps sans déclencher de violentes douleurs dans l’aisselle. Je me suis levé pour aller dans le box des monos, au bout du dortoir, en espérant l’aide du chef Michel – il n’y avait personne dans le box.
Alors je suis sorti, pieds nus, pour voir s’il y avait encore de la lumière quelque part dans les bâtiments. Heureusement l’office à côté des cuisines était éclairé et j’y suis rentré - les monos étaient rassemblés autour d’une table – ils fumaient et buvaient des rafraîchissements – sans doute préparaient-ils les activités du lendemain – dès mon arrivée, le chef Michel est venu à ma rencontre et je lui ai expliqué pourquoi je n’arrivais pas à dormir. Avec l’infirmier-séminariste il m’ont emmené à l’infirmerie.
L’infirmier en soutane m’a tout de suite pris la température et a tâté mon aisselle.
« il a des gros ganglions ! » annonça-t-il au chef Michel.
« Montre-moi ta main, car tu dois avoir une blessure quelque part ».
Quand il vit ma coupure où s’était déjà installé un abcès, il fit une grimace de dégoût.
« Nous allons entreprendre des soins avec des antibiotiques et d’abord nettoyer cette plaie, vider le pus et désinfecter à l’eau de javel, mais si demain ta température ne descend pas et que tu as toujours mal dans l’aisselle, il faudra aller voir un médecin à l’hopital »
Je me mis à pleurer – car non, finalement je n’étais pas encore un homme – j’avais mal, je ne comprenais pas pourquoi une coupure de fougère me provoquait ces ganglions sous le bras et que l’infirmier trouvait ça grave – et en plus, je ressentais comme de l’humiliation, de la vexation, car à cette époque la pathologie n’était pas encore tellement apparentée à un faire-valoir mais plutôt perçue comme un échec.
Pas eu besoin d’aller à l’hopital – les choses se sont rapidement arrangées.


Aujourd’hui encore, quand j’entends un adulte raconter que les enfants doivent faire attention de ne pas se couper avec leur canif, je souris intérieurement en me souvenant que c’est peut-être encore plus risqué de se couper sans son canif. :mrgreen:


@bientôt pour une autre anecdote - bizettes
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Re: la grande sortie

Message par boud »

yeahhh !!! génial, ça se lit tout seul , t'es vraiment doué :D ...en +, tu bouscules mes souvenirs de colo que je me rappelais même plus :wink:
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Re: la grande sortie

Message par boud »

faut qu'on fasse gaffe , TITJO est capable de nous faire payer des droits d'auteur ! :roll: :wink: :lol:
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Re: la grande sortie

Message par ptit chat »

tant pis si faut lui donner quelques pieces pour pouvoir continuer la lecture !! :lol: :lol: :lol:
en tout cas ,la colo en ce temps là ,n'etait pas sans danger !! :lol: :lol: :mrgreen:

on est toute a l'ecoute pour la suite :wink:
allez ! un ptit zeste de bonne humeur pour faire plaisir et sourire !
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Re: la grande sortie

Message par apie »

:lol: :lol:
enfin c'est pas vraiment drôle mais qd même :lol: :lol:

ben dit donc, t'était abonné à l'infirmerie mon pauvre !


ce là dit : encore !!!
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TITJO
         
         
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Re: la grande sortie

Message par TITJO »

voilà - je continue (inspiré par le style de Sampé)

AQUA SIMPLEX

Dans les années cinquante, donc au milieu du XXème siècle, la colo n’était pas reliée à un réseau d’eau sanitaire. Elle était autonome comme la majorité des fermes de montagne. Une sorte de château d’eau en béton en forme de cube, en surplomb des bâtiments habités, récoltait les eaux d’un des nombreux ruisselets qui couraient sur les pentes du Haut du Tot. Quand le temps était à la pluie, la réserve se remplissait bien et on pouvait puiser sans problème, au sous-sol sous le dortoir des grands, aux robinets alignés au-dessus d’un long abreuvoir collectif en tôle qui servait, selon les besoins, de lavabos ou d’éviers. On avait aussi le droit de tirer utilement sur les chaînettes des chasses d’eau.
Mais quand il faisait beau, sec et chaud et que la canicule sévissait, le ruisselet était vite tari et tout se compliquait. Un mono allait périodiquement jauger le niveau dans la citerne avec une sorte de fil à plomb. A partir d’un seuil de remplissage déclaré « critique », tous les robinets accessibles aux colons étaient condamnés, provisoirement… le bâtiment central hébergeant les cuisines et l’infirmerie était prioritaire et restait alimenté. Dans les toilettes, des seaux remplaçaient les chasses d’eau, à n’utiliser que pour évacuer « la grosse commission ».
Mais il fallait aussi résoudre le problème des ablutions du matin (et aussi du soir). La solution s’appelait « LA CLEURIE ».
Ce petit torrent d’eau cristalline et gazouillante, après avoir traversé la commune du Tholy, rebondissait entre les pierres de granit arrondies et coulait en contre-bas de la colo. Nous pouvions descendre sur sa berge dès que le paysan voisin avait fini la fenaison, mais là, j’y reviens un peu plus loin. Donc, la trousse de toilette à la main et la serviette de toilette sur l’épaule, nous allions, équipe par équipe, prendre un bain de pied matinal, pas plus, et nous rafraichir comme les pieux indiens sur les bords du Gange. C’était plus rigolo que l’alignement le long de l’abreuvoir et des fois l’un ou l’autre faisait semblant de trébucher pour s’accorder un petit rinçage-éclair. En fin d’après-midi, en caleçon de bain, nous avions le droit de faire des vraies trempettes rafraichissantes après les jeux de piste ou les promenades qui nous avaient fait transpirer. On construisait un barrage de caillasses pour qu’il y ait un peu plus de fond, on attrapait des poissons-chats en pagaille mais très rarement des petites truites, parfois des couleuvres d’eau. Et surtout on faisait des concours de sous-l’eau. Notre pote Roger avait une montre Kelton étanche et c’est lui qui évaluait combien de temps on restait avant de relever la tête pour respirer. C’était toujours le gros Deveaux qui gagnait, même qu’en plus il ouvrait les yeux sous la flotte et pouvait compter combien de doigts on lui montrait - une vraie star de la baignade !
Parfois le torrent avait une odeur bizarre, comme des relents de fromage périmé et les monos nous déconseillaient aussi la baignade. Dès cette époque nous avons appris ce que signifiait le mot « pollution ». Car la fromagerie du village en amont utilisait directement le cours de la Cleurie pour ses besoins en eau claire. Mais il faut se rappeler qu’à cette époque, les entreprises de filature et de tissage, les scieries et les menuiseries, quelques tréfileries aussi choisissaient de s’installer sur les cours d’eau et semblaient ignorer les dégâts causés à la nature. Les raisons économiques primaient sur les raisons écologiques. Et nous savons aujourd’hui qu’il n’est pas commode d’inverser le processus.
Le petit paysan de Bouvacôte, celui qui s’activait pour nous libérer le vaste terrain entre la colo et le torrent, fournissait le lait, les œufs, des légumes et des fruits à l’intendant de la colo. Il était loin d’être équipé comme ses descendants. Il fauchait à la faux à bras, puis fanait au râteau à bras (avec sa femme). Quand le foin était assez sec, il venait avec des grandes toiles carrées qu’il étalait sur le sol, y empilait du foin, puis ressemblait les quatre coins et les nouait. Son épouse l’attendait à côté d’une modeste remorque tirée par un cheval. La remorque pouvait contenir trois balles de foin. Le cheval avait la tête enveloppée dans un grand sac de chanvre pour être moins piqué par les taons, mais les sales bestioles se rattrapaient sous sa queue et nous avions mal pour lui. Quelques années plus tard, nous avons appris que le petit paysan s’était modernisé en s’équipant d’une motofaucheuse à bras.

*************************

voici un lien pour mieux se représenter le cadre de cette histoire à épisodes - le bâtiment existe toujours mais je ne sais pas à quoi il sert.

https://www.google.fr/maps/place/Bouvac ... bc48b9bf80" onclick="window.open(this.href);return false;

**************************


c'est tout pour aujourd'hui - bizettes et @+
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boud
      
      
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Re: la grande sortie

Message par boud »

pas déçue de te lire :wink: ...quelques questions :wink: =
- c'est quoi = " style de Sampé " ? pas envie de chercher :oops:
- y'avait pas de filles ?...parce que nous, les gamines dans un ruisseau ou autre point de baignade , les gamins se faisaient un malin plaisir de nous foutre la tête sous l'eau sans prévenir :mrgreen:
- ils ont quel âge tes ptits zenfants ?...tu leur racontes ? ou ils te disent = " tu nous gonfles, pépé ! " ? :lol:
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Re: la grande sortie

Message par TITJO »

boud a écrit :pas déçue de te lire :wink: ...quelques questions :wink: =
- c'est quoi = " style de Sampé " ? pas envie de chercher :oops:
c'est le style des bouquins du P'tit Nicolas (ma femme a la collec)
***********
- y'avait pas de filles ?...parce que nous, les gamines dans un ruisseau ou autre point de baignade , les gamins se faisaient un malin plaisir de nous foutre la tête sous l'eau sans prévenir :mrgreen:
à l'époque, on ne mélangeait pas les singes et les guenons: garçons en juillet et filles en août - et l'inverse l'année suivante

***********

- ils ont quel âge tes ptits zenfants ?...tu leur racontes ? ou ils te disent = " tu nous gonfles, pépé ! " ? :lol:

pas pépé - pas de ptits zenfants actuellement et probablement jamais - vu la mentalité de ma fille et de la copine de mon fils...! j'avais bêtement rangé certains de leurs jouets dans des cartons pour préparer des "trésors dans le grenier" - la fière et noble lignée Titjo va disparaître comme bien d'autres -
SIC TRANSIT GLORIA MUNDI (tu peux demander la traduction à frère Daniel Moine)
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Re: la grande sortie

Message par boud »

aïe, je savais pas :oops: scuze TITJO mais attention...avec ton ADN et tes gènes, on retrouvera des TITJO partout !!! :wink: :lol: :lol: :lol:
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ptit chat
         
         
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Re: la grande sortie

Message par ptit chat »

ah....faut pas trop parier sur çà ...çà peut venir avec l'age :wink: (ou des fois changement de partenaire car çà arrive partout ! :? ce que je ne leur souhaite pas ,bien sur ! )
mais faut savoir attendre car la moyenne d'age a beaucoup augmenté et les mentalités changent en vieillissant :wink:
j'avoue que l'envie pour moi est venu sur le tard ! et je ne regrette pas d'avoir eu l'envie !! :lol: :lol: et on change encore de generations donc toujours espoir !

en tout cas ,si ta fille ne fait pas de bébés ,elle fait des supers tableaux !! c'est beau aussi ! ( et beaucoup moins bruyants !! :lol: :lol: )
allez ! un ptit zeste de bonne humeur pour faire plaisir et sourire !
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Re: la grande sortie

Message par ptit chat »

pas vu reponse de tit jo mais je savais que c'etait petit nicolas :wink: j'ai lu un des livres ,il y a 3 ou4ans car une collegue m'avait preté car l'offrait a sa niece .c'etait super a lire comme notre feuilleton de cet été par tit jo :wink:
merci ! :wink:

nous ,epoque +tardive mais point de melange non plus !! c'etait le centre aeré ,çà s'appelait et les gars devait etre sur un autre site ... :roll: :roll: sans doute ! faut jdemande a maman :lol:
allez ! un ptit zeste de bonne humeur pour faire plaisir et sourire !
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