un nouveau conte!

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TITJO
         
         
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Message par TITJO »

:shock: QUE FUME LA OUATE :shock:
Préambule.
Il y a quelques années, l’association « VIVRE A TINCRY » m’avait sollicité pour conter lors de la veillée paysanne de la fête des « HAOUATTES ». Ce terme est devenu le sobriquet des autochtones, mais il n’a rien d’insultant. En effet il désigne une sorte de pioche, dont le fer est pratiquement forgé en arc de cercle, et destiné à « chahoutrer » ou sarcler la vigne.
J’ai donc écrit ce petit conte à cette intention. Avec un titre et un dénouement appropriés à la circonstance… :wink:
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

Savez-vous où la petite Luluce préfère passer ses vacances ? En camping au bord de la mer ? En colonie à la montagne ? Ou dans l’immeuble où elle vit avec ses parents ?
Quand on a dix ans, me direz-vous, qu’importe l’endroit pourvu qu’il y ait des copines et de quoi s’amuser.
Et notre Luluce, pétillante fillette aux longs cheveux noirs retenus par un turban qui lui dégage le front, partage volontiers cette idée. Mais quand des congés approchent, quelque soit la saison, elle songe plutôt à un petit village que peu de gens traversent parce qu’il se niche à l’écart des grandes routes, au pied du HAUT DU MONT. Autour de la grande place bien exposée au Sud, il s’éparpille en ruelles pleines de racoins chargés de mystères et de secrets. Pour une enfant de la ville, Tincry peut signifier l’exil, l’ennui, la torpeur de la Lorraine profonde. Mais dans le cœur de Luluce, il évoque toujours le dépaysement, l’évasion, la découverte, et bien sûr les rassemblements animés de la famille autour de ses grands-parents qui vivent là. C’est si bon de pouvoir de temps en temps retourner vers ses origines, se réconforter du climat chaleureux et apaisant d’un repaire où le temps semble passer autrement et où l’on se sent toujours le bienvenu. Mais pour chaque enfant de la tribu, il faut attendre son tour pour venir y séjourner, car mamie-Tincry ne peut pas recevoir tout le monde en même temps !
Cette année-là, c’est à Luluce de venir pour les vacances de fin d’année. Et tout semble l’attendre ici pour passer de bons moments : la vieille 4L à tout faire qu’elle aura le droit de conduire en dehors des routes, un petit secret qu’elle partage avec son papy, Et Gribou, le faux teckel un peu fou, un peu poussiéreux, qui saute toujours sur la chaise sur laquelle on va s’assoir. Et chaque soir la douce Misette vient s’enrouler sur la couette. Elle pèse lourd sur les petites jambes de Luluce qui n’ose pas bouger, de crainte qu’elle ne s’en aille dormir ailleurs.
De l’autre côté du village, elle retrouvera des amis de son âge qui vivent ici ou qui, comme elle, viennent dans la famille à l’occasion des congés scolaires. Par mauvais temps, ils se groupent sous l’abribus. Sinon, ils se rencontrent dans la cour de l’ancienne école pour papoter et jouer ensemble.
Pour ses étrennes, notre héroïne a reçu un superbe cadeau de sa grand-mère. Un appareil photo numérique. C’est drôlement pratique, facile à utiliser, et comme précise son papa, « pas de pellicule, pas de développement, les images ratées ne coûtent rien, on ne garde que les meilleures pour les ranger dans l’album informatique de l’ordinateur ».
...
Modifié en dernier par TITJO le jeu. févr. 03, 2011 9:14 am, modifié 1 fois.
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

...
Les vacances se passent aussi bien que prévu et voilà qu’au dernier matin, avant même de sortir du lit, elle perçoit une forte clarté à travers les fentes des volets. Dehors un franc soleil fait scintiller la neige tombée pendant la nuit, et , surprise, c’est papy qui ouvre la porte de sa chambre.
- Bonjour, petite princesse, si tu veux contempler la campagne en hiver et même prendre quelques jolies photos, tu me suis. Ne traîne pas, nous partons aux bois.

Luluce se prépare en hâte, s’habille bien chaud. Elle range son appareil photo dans un petit sac et se précipite dans la vieille 4L, suivie de Gribou empêtré dans la neige jusqu’à la pointe du museau.
Brrrrrrrrrr ! Malgré sa combinaison de ski elle sent la froidure de la banquette. Les vitres sont encore toutes givrées et derrière, dans le coffre, des bidons d’essence dégagent des effluves écoeurantes.

En fait, papy-Tincry, comme presque tous les hommes du village, devient un peu bûcheron pendant l’hiver. Et dés qu’ils arrivent dans la forêt toute proche, il rejoint une petite équipe déjà à l’œuvre dans un concert rugissant de tronçonneuses. Partant de son côté, Luluce se sent une âme de reporter. Elle part à la recherche de spectacles remarquables Elle prend en photo des glaçons suspendus à des branches, les cimes des sapins qui s’élancent dans le ciel au bleu vertigineux, La 4L plantée dans la neige, Gribou resté frileusement blotti sur la banquette arrière en attendant le retour du maître…
Tiens ! Justement, le voici. Que signifie donc ce retour prématuré et ce sourire qui illumine son visage fripé ?
- Princesse, regarde ce vieil arbre là-bas, dit-il en tendant son bras vers un charme immense et majestueux, l’âge et la maladie l’ont vaincu, nous allons l’abattre par sécurité. On l’aimait bien. Il a accueilli dans ses branches des générations d’enfants turbulents, et les amoureux gravaient dans son écorce des serments éternels. Ce serait bien que tu en tires quelques clichés pour que quelque part il n’ait pas disparu complétement.

Luluce un peu émue par ce souhait insolite tente de cacher son trouble derrière une boutade :
- Souriez, l’homme des bois, je vais faire un portrait qui vous rendra célèbre !

Le grand père ne résiste pas à son regard espiègle et lui offre des poses cabotines jusqu’à ce qu’elle rie aux éclats et que gribou, inquiété par ces gesticulations inédites, se dresse et jappe avec conviction. Puis tous les trois, papy, Luluce et Gribou se rapprochent de l’abre pour le prendre en photo.

La nuit venue, Misette cherche en vain la compagne de ses nuits. Elle est rentrée en ville, chez ses parents, car l’école reprend dés le lendemain.
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

Ah l’intuition ! Cette faculté inexprimable à ressentir les choses !
Soudain, lentement, caractère par caractère, comme inscrit par quelqu’un qui cherche les lettres en désordre logique sur le clavier, une ligne d’écriture apparait sur l’écran.

A L’ A I D E ! Y A - T – I L Q U E L Q U ‘ U N ?

Luluce, stupéfaite, relit d’abord plusieurs fois le petit message. Puis, incrédule, elle quitte sa chaise, va examiner dessous la table les différents cordons reliant les éléments de l’ordinateur, triture les prises, frotte la souris sur le tapis… Elle s’entend alors prononcer tout haut
- Là, il y a un truc… !

Aussitôt une nouvelle ligne s’affiche sur l’écran :

- N O N , N O N , P A S D E T R U C

Puis :

- Q U I E S T L A ?
Luluce dit à tout hasard :
- Je me nomme Lucie, mais on m’appelle Luluce.
Alors une nouvelle inscription s’ajoute au texte :
- Tu es venue après Noël dans la forêt de Tincry avec ton grand père et tu as pris des photos.

Puis après un petit arrêt il s’inscrit encore :

- Mais ensuite que s’est-il passé ? Comment se fait-il que mon arbre n’est plus qu’une image lumineuse sur un écran ? Et d’abord pourquoi n’est-il plus dans la forêt mais dans cet étrange appareil ?

- MON ARBRE… ?


Luluce veut savoir à son tour qui dit « MON ARBRE ».

- Moi je n’ai photographié qu’un arbre ordinaire avant que les bûcherons ne l’abattent. Et ce qu’il en reste, c’est cette photo que j’envoie, là, sur l’écran.
- Catastrophe ! un sortilège va s’accomplir ! ignores-tu donc le sens de ce dicton sans âge ?
« Quand le charme est coupé, le CHARME est rompu ». Aide-moi, petite, et pour commencer, trouve un personnage dans tes autres photos, un visage à me prêter par lequel je pourrai directement avec toi. Par écrit c’est trop long car je ne maîtrise par ce clavier. S’il te plaît, fais vite !
Fin du message.
...
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Vincent HOVASSE
         
         
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Re: un nouveau conte!

Message par Vincent HOVASSE »

Nom de nom, Titjo.
Je viens de lire ce comte visiblement en même temps que tu le postais et il va falloir que je parte au boulot sans avoir la suite.
Que tu es dur avec moi :wink:
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TITJO
         
         
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

bonjour Vincent,

Quelle idée de se connecter si tôt?

Je parie que tu te relevais pour surprendre le père Nöel, non?

bon, je continue à éditer - le problème, c'est que j'avais archivé en QXD de QUARXPRESS et que je ne peux plus récupérer le texte car je n'ai plus ce logiciel. Donc je retape tout en monodactylie :(
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

Luluce comprend l’utilité de ce transfert, mais elle hésite. Si elle prête l’image numérique de quelqu’un de sa famille à cette entité qu’elle ne connait pas, ce serait peut-être l’exposer à des dangers inconnus. Car pour le moment elle ne dispose pas d’un gros registre correspondant au profil requis. Alors, sans trop y croire, elle fait revenir à l’écran la photo de Gribou blotti sur la banquette de la 4L.

Après quelques grognements, quelques tentatives inefficaces, une voix bizarre traverse les hauts parleurs. On dirait celle d’un chien qui parle comme un humain. Cette voix permet tout de même de traduire une immense indignation :

- Quelle farce ! Prêter la voix d’un chien pour permettre à FLOC, génie de la forêt, de dialoguer avec les humains ! Quel affront en direction de ma puissance créatrice ! Quelle…

Nous ne saurons pas la suite de cette tirade de réprobations car Luluce se précipite pour couper le son de l’ordinateur par crainte qu’un de ses parents intrigué ne la rejoigne. Après quelques instants elle ose redonner du son. Puis elle pose son front sur ses mains jointes, ferme les yeux, et s’exprime doucement à voix haute, pour elle-même :

- Il semble que tu délires un peu, ma Luluce, N’aurais-tu pas un peu de fièvre ? Un excès de truffes de Noël, peut-être. Ou tout simplement un plomb qui pète après une seulement une semaine d’école. Ce n’est pas clair cette histoire de génie de la forêt piégé dans l’ordinateur. Si tu ne veux pas qu’on se moque de toi, Il vaut mieux se taire.

- Tu as raison, reprit la voix à présent plus tranquille. Personne ne te croirait, il te sera donc plus facile de garder notre secret. C’est vrai que par hasard tu détiens un génie de la forêt dans ton ordinateur. Car, vois-tu, le génie, contrairement à l’humain, est une créature qui ne possède pas un corps unique tout au long de sa vie. Comment t’expliquer cela ? J’appartiens à une autre dimension où l’on ne compte pas le temps et l’espace comme on te l’enseigne à l’école.

- Là, j’allucine complètement. Si quelqu’un vient me surpendre en train de prendre la photo de Gribou pour un génie qui me parle en direct, je suis mal, je passe au contrôle antidopage. Car un génie de la forêt, si ce n’est dans les contes pour enfant, ça n’existe pas !

- Encore une fois tu as presque raison , Luluce, je n’existe presque pas. Je n’ai pas d’âge, pas de forme que tu pourrais voir, je ne pèse rien. Je erre un peu partout où la vie peut s’installer, se fixer, se développer...
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

… Tu reconnais l’emprunte de l’humain par les iris de Marie Adam, les arums de Claude Bourguignon, les rosiers de Luc Hanriot ou encore les mirabelliers parfaitement alignés de Jean Guix, et même les champs de blé de Roger Nassoy. Leurs magnifiques productions expriment leur savoir-faire, leur talent, leur bonheur d’organiser une nature à leur idée et à leurs besoins. Ma relation avec le monde est différente. Quand tu contemples la campagne, elle t’apparait des fois comme une composition artistique, n’est-ce pas ? L’harmonie des volumes, la fantaisie des couleurs, la hardiesse des mélanges, le choix des endroits ont inspiré les peintres de toutes les époques… et aussi à présent, certains apprentis photographes. Les touffes d’herbes qui colonisent une petite route abandonnée, les fleurs sauvages qui décorent les talus et les clairières, les arbustes exubérants le long des ruisseaux, les fougères jaillissant des vieilles murailles, tout ce petit monde végétal qui tente sans cesse de s’éparpiller au point d’être parfois envahissant, cette conquête opiniâtre de la vie sur la matière, ne trouves-tu pas cela merveilleux, miraculeux, allons, dis-le, génial ?
- D’accord, je dis « génial ».
- Tu as dit « génial », elle a dit « GENIAL » ! Génial, cela veut dire qu’il y a une génie derrière tout cela, à moins …qu’il ne soit enfermé par accident dans un ordinateur.

à suivre
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Re: un nouveau conte!

Message par Vincent HOVASSE »

Nom de D...
tu recommences Titjo :(
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Re: un nouveau conte!

Message par Annie »

Titjo, tu as le pouvoir magique de nous faire retomber en enfance avec tes contes! Le vrai génie de la forêt, c'est bien toi!!
La suite, de grâce!! :D
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Re: un nouveau conte!

Message par Magali »

oh zut !
j'espère ne pas devoir attendre tout le we pour connaitre la suite ...
merci
@+
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Re: un nouveau conte!

Message par G2 »

ça pourrait s'intituler "songe d'une nuit d'été"
ah bon, c'est déjà pris?
Si Dieu existe, il faudra qu'il ait une bonne excuse.
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Re: un nouveau conte!

Message par marie laure »

Je suis comme Luluce... j'ai un génie dans mon ordinateur... Il n'a pas de forme et je ne l'entends pas...par contre je lis ses écrits....c'est un gentil génie GENIAL...p'tit mais génial...je prends quelques années en moins et j'attends la suite :wink:
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

- Mais Floc, je n’y suis pour rien, c’est juste la photo de vieux charme… d’abord, comment cela se fait-il que tu l’as suivi ?
- C’est tout simple. Quand je n’ai rien à faire, en hiver par exemple, je deviens l’hôte d’une plante, d’un arbre, et celui-là était mon préféré. Finalement c’est toi qui m’as sauvé. J’existe encore tant que ce charme avec lequel j’ai fusionné existe lui-même , même s’il n’est plus qu’une image numérique projetée sur un écran. Sans cette photo, j’aurais disparu à jamais au moment où les bûcherons ont abattu l’arbre original dans la forêt. Et quand un génie quitte son territoire, la vie perd du terrain sur l’inerte. D’une façon ou d’une autre, maladie, sécheresse, pollution, appelle cela comme tu veux, la vie s’éloigne et le désert triomphe. Luluce, mon enfant, je te dois d’être toujours présent, alors merci. Mais maintenant toi seule peux et dois m’aider à retourner à la Quemine, au-dessus de la Feuillouse, dans la forêt de Tincry. Pour cela je te récompenserai par la réalisation d’un vœu auquel tu vas songer. Floc le génie ne t’oubliera pas une fois la liberté retrouvée. Mais d’abord, comment penses-tu pouvoir me sortir de cette boite?
- Je crois que j’ai une idée. Voilà. Serais-tu capable de rester en fusion avec l’image de l’arbre si, au lieu de l’envoyer comme maintenant sur l’écran, je l’imprime sur une feuille de papier ?
- Tu pourrais faire ça ? Génial ! Euh non… c’est plutôt moi que cet adjectif qualifie. Pour toi je dirai « formidable ». Tu comprends que c’est la première fois que je vais me livrer à cette manœuvre, mais ça va le faire, je pourrai rester en fusion avec mon charme, même imprimé sur du papier. Et sous cette forme, tu me transporteras au point de départ, très exactement à la souche que les bûcherons ont laissée en place pour l’instant. Là, tu verras, il y a un trou profond juste au milieu.
- Bien sûr, Floc, tu deviendras transportable, c’est un progrès, mais je suis une petite fille qui va d’abord à l’école, et…
- Ne m’interromps pas pour rien, s’il te plaît, Luluce, et tu sauras tout ! Quand je serai dans la feuille imprimé, tu commenceras pour écrire ton vœu dessus puis tu rangeras ce précieux document dans une cachette sûre pour que personne ne puisse ni le dérober ni le détruire. Et quand arrivera le printemps, débrouille-toi pour assister au premier orage de la saison qui s’abattra sur Tincry. Tu apporteras l’image et aussi du coton. Tu rouleras la feuille pour former un tube maintenu par une pointe de colle et tu introduiras le coton dans le tube. Enfin quand l’orage s’éloignera, tu viendras à la souche et tu glisseras tout ça dans le trou dont je t’ai parlé
- Pourquoi le coton dans le rouleau de papier ?
- Le coton ou la ouate, c’est la même chose, dégage de la fumée en se consumant. Beaucoup de fumée. C’est de cette façon que je parviendrai à me séparer de l’image de l’arbre et à nouveau me sublimer, échapper au carcan du poids, de la matière, des formes et du temps, et de nouveau vagabonder librement. Tu comprends à présent : il faudra QUE FUME LA OUATE !

...
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

- Là j’ai peur, Floc, tout se complique. Comment me retrouver à Tincry quand justement éclatera le premier orage du printemps ? Et fabriquer de la fumée ?... Il me faudra aussi des allumettes !
- Oui Luluce, c’est compliqué. Mais à présent tu connais le rituel qui permettra de me dissocier du vieux charme. Ah, encore un petit service pour tout de suite : pour m’aider à bien trouver la direction de l’imprimante quand tu vas tirer l’épreuve, tu prononceras une formule magique. FLIC – FLAC – FLOC. C’est le code du génie bienveillant et protecteur de la forêt de Tincry. Bon, je pense t’avoir donné assez d’informations et désormais mon salut t’appartient. N’oublie pas le rituel, la formule magique et réfléchis à ton vœu. En effet, plus jamais je ne m’adresserai à toi de cette façon, et tant mieux. Car je ne ressemble en rie à un vieux teckel. Mais tu pourras parfois percevoir ma présence amicale et furtive quand tu te promèneras dans le bois. Tu auras l’impression que tu es suivie mais en te retournant tu ne verras personne. Tu croiras découvrir mon visage dans l’agencement des feuillages ou le contour capricieux des nuages. Tu chercheras à m’entendre dans le bruissement paisible des branches bercées par la brise. Et tu comprendras que, comme toi tu as une âme, la forêt a une âme, aussi imperceptible, aussi subtile, et aussi respectable. Si vraiment tu souhaites avoir mon portrait, tu risques d'être surprise et déçue: procure-toi une carte de géographie simplement de la Lorraine et du contours de ses quatre départements. Tu colories la Meuse en violet, C'est mon bonnet. La Meurthe et Moselle en gris, c'est ma chevelure. La Moselle en Brun, c'est mon visage de profil. La Meuse en vert, c'est mon foulard.

Bouleversée, elle est bouleversée Luluce. Quelle histoire ! Que de chance, que de coïncidences seront nécessaires pour faire aboutir ce rituel ! Et en plus il faut que cela reste secret. N’en parler ni aux copines, ni à papy-mamie, ni aux parents,. Et pourtant elle aura besoin d’eux pour se retrouver là où il faudra et quand il faudra. ET même si c’est possible, comment parviendra-t-elle à s’échapper en plein orage et filer seule vers la forêt du vieux charme ?
C’est en ruminant sur ces questions qu’elle déclenche discrètement l’imprimante, et au moment où la feuille s’engage, elle se hâte de prononcer FLIC - FLAC – FLOC.
...
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Re: un nouveau conte!

Message par TITJO »

...
Plus le printemps s’approche et plus Luluce devient nerveuse. Elle a rangé l’image du vieux charme dans un grand livre rigide que personne n’ouvre jamais : un vieil Atlas dépassé par l’Histoire. De temps en temps elle va vérifier que rien n’a bougé. Elle a écrit son vœu en bas de la page, et même si quelqu’un par hasard le lisait, il n’en comprendrait pas le sens. En fait, ce qui la préoccupe, c’est la manière dont les événements pourront se réaliser. Comment influencer le destin ?
Le mois d’avril arrive. Ce n’est même pas à son tour d’être invitée à Tincry pour les congés de Pâques. Pire encore : ses parents évoquent l’idée d’aller passer quelques jours chez des amis dans les Alpes. Enfin pour tout gâcher, la météo annonce déjà les premiers orages de la saison. D’accord, sur l’Auvergne, mais sur la petite carte de France affichée à la télé, l’Auvergne ça parait terriblement proche de la Lorraine. Un seul nuage suffit pour recouvrir les deux régions en même temps.
L’inquiétude de Luluce s’accroit avec le temps qui passe. Son ardeur à l’école et ses résultats fléchissent. Ses copines la trouvent distante. A la maison on ne la reconnait plus. D’habitude si patiente, si joyeuse, si câline, elle change…

- Rentrerait-elle douloureusement dans l’âge difficile de l’adolescence ? se demande sa mère. Hé bien cela promet !

Le mercredi qui précède les rameaux, La mère de Luluce attend le repas de midi pour s’adresser à elle sur le ton emphatique qu’utilisent les adultes pour annoncer les événements importants tout en cachant leurs propres émotions.
- Cet après-midi nous t’emmenons à Tincry pour l’enterrement du parrain de ton papa. Maintenant tu as l’âge de nous accompagner à ce genre de cérémonie. Sois prête à quatorze heures. Ah, au fait ma chérie, n’oublie pas de prendre ton ciré car on annonce un premier orage sur le Saulnois.

Pendant le voyage, le père parle un peu. Il raconte à sa fille que son parrain était resté célibataire.
- Il vivait d’un petit trafic d’œufs et de volailles qu’il allait d’abord ramasser dans les fermes. Les gens le nommaient « le cosson ». Et pour se moquer de sa carrure chétive, certains rajoutaient même « l’étroit petit cosson » :oops: . Affublé d’un béret crasseux enfoncé jusqu’aux oreilles, car quelqu’un lui aurait suggéré que ça ralentissait la pousse des cheveux, il colportait les commérages de village en village et marchandait les derniers scoops du canton contre un ver de vin chaud ou une bière fraiche selon la saison.
A la semaine sainte, les habitants de Tincry s’éparpillaient dans les vignes plantées entre les plus hautes maisons du village et la forêt du Haut-du-mont. Et je suivais mon parrain pour l’aider à tailler, « haouer » et « chahoutrer ». On «breuseuillait » côte à côte et de temps en temps il m’envoyait un coup de coude en me désignant un des hommes qui s’esquivait subrepticement. Je connaissais l’explication par cœur car il commentait chaque fois en ricanant : « celui-là part se confesser pour pouvoir faire ses Pâques, et avec tout ce qu’il doit avouer au curé, on ne le reverra plus aujourd’hui ! »
D’autres fois je l’accompagnais aux bois où il s’adonnait volontiers au braconnage. Il n’avait pas son pareil pour faire accourir les biches en soufflant simplement sur une herbe serrée entre ses deux pouces. On dit que lorsqu’un braconnier disparait, les lièvres font la fête toute la nuit qui suit sa mort. Mais en fait ce singulier petit bonhomme connaissait la forêt de fond en comble. Il m’a appris à la respecter car, prétendait-il, à sa manière elle a aussi une âme. Elle serait peuplée de génies invisibles aux humains sauf, à de très rares exceptions, à l’une ou l’autre personne dont le cœur est suffisamment pur et noble pour lui accorder sa confiance.
Après le passage au cimetière, nous irons boire un café chez mamie-Tincry puis nous rentrerons rapidement, j’ai beaucoup de travail en ce moment.

Luluce, tendue, sert contre son cœur la feuille enroulée autour du coton. Ses parents ne lui ont pas demandé ce que c’est. Les adultes sont trop immergés dans leurs propres soucis pour s’intéresser à ce genre de détail. La mission semble donc progresser un peu, mais comment envisager la suite ?

à suivre
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