Re: la grande sortie
Posté : dim. juil. 19, 2015 10:11 am
LA SIESTE
Après les agapes de midi, les colons avaient « temps libre ». C’était le moment de la distribution du courrier et des petits colis - à la criée - certains recevaient des lettres pratiquement tous les jours. D’autres jamais. La technologie numérique n’avait pas encore envahi notre vie. Les téléphones filaires, outils de communication essentiellement professionnels, équipaient encore peu de domiciles pour un usage simplement privé. Pour appeler par exemple chez le docteur, on allait chez un commerçant ou chez une personne du quartier qui faisait fonction d’opératrice. Donc ce qui était écrit dans le courrier restait la principale méthode d‘échanges et source d’informations.
C’est ainsi qu’un jour un de nos copains fut appelé dans le bureau du directeur, là où trônait LE téléphone de la colo.
- Tes parents sont en ligne, lui déclara l'abbé-directeur. Il faut que tu les rassures tout de suite.
Le gamin, un peu ébranlé, le suivi et saisit le lourd combiné en bakélite noire.
- Allo, maman ?
- Allo mon poussin ! Alors c’est vrai, tu vas bien ? Tu n’as rien ? Nous n’avons pas besoin de venir te chercher ?
- Non, maman, Tout va bien. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Dans ta dernière lettre que nous venons juste de recevoir, tu nous as écrit que tu étais dans le plâtre depuis le début de la semaine et nous nous sommes inquiétés. Voilà pourquoi nous appelons la colo qui ne nous a pas informés d’un accident dont tu serais la victime. Le directeur ne sait pas trop ce qui t’a pris d’écrire ça. Alors ?...
- C’est pourtant vrai, maman, je suis dans le plâtre depuis lundi. Avant j’étais en atelier-nature – et maintenant je fais des moulages de nains de jardin en plâtre. Et je pourrai d’ailleurs les rapporter à la maison !
- Ouf, je comprends tout : tu es en atelier-plâtre ; J’aime mieux ça.
La conversation se conclut probablement par quelques effusions verbales et le copain resta la vedette pour la journée : il avait parlé directement avec sa mère au téléphone, dans le bureau du directeur !
Donc après la distribution du courrier et parfois une assistance nécessaire à la lecture assurée par les monos, nous avions tous rendez-vous, en rang par équipe, à l’entrée des dortoirs. Le temps de la sieste était arrivé. Il fallait s’allonger en silence sur nos paillasses pendant une heure et demie. La première heure se passait souvent bien, même s’il n’est pas vraiment aisé de s’assoupir sur commande. Le mono qui nous surveillait bouquinait et on en aurait bien fait autant. Puis progressivement des bras se dressaient par-ci par-là :
- Chef, j’ai besoin d’aller faire pipi !
Et là, catastrophe, toute demande était refusée. Etait-ce pour des raisons de responsabilité ? De discipline ? De commodité ? Les monos restaient inflexibles. Et plus le temps passait et plus l’urgence se manifestait. La plupart des gamins se tortillaient sur leur plumard en gémissant. Certains tentaient de braver l’autorité en se levant et se dirigeant en courant vers la sortie ! Mais leur audace était vaine. Il leur était ordonné de se recoucher.
Aujourd’hui encore je me demande pourquoi il nous fallait subir cette torture. Car parfois, la surveillance de la sieste était confiée à un aide-moniteur qui s’appelait Jean-Louis, plus jeune que les autres, et qui, peut-être par manque de pratique, agissait autrement. Lorsque les premiers bras se dressaient, il désignait du doigt dans l’ordre de la demande, sans prononcer un mot, le colon qui avait le droit de sortir discrètement pour se soulager. Tout se passait très bien et, ça se comprend, quand c’était son tour de nous surveiller, l’aide-mono avait toute notre gratitude.
Voilà.... j'envahis l'espace du forum-évasion avec mes élucubrations - mais en cette période de congés c'est plutôt calme et je me défoule - chacun lit ou passe la rubrique, peu importe - si je dois cesser, il suffit de me le faire savoir - sinon, j'ai des réserves...
bizettes estivales - @+
Après les agapes de midi, les colons avaient « temps libre ». C’était le moment de la distribution du courrier et des petits colis - à la criée - certains recevaient des lettres pratiquement tous les jours. D’autres jamais. La technologie numérique n’avait pas encore envahi notre vie. Les téléphones filaires, outils de communication essentiellement professionnels, équipaient encore peu de domiciles pour un usage simplement privé. Pour appeler par exemple chez le docteur, on allait chez un commerçant ou chez une personne du quartier qui faisait fonction d’opératrice. Donc ce qui était écrit dans le courrier restait la principale méthode d‘échanges et source d’informations.
C’est ainsi qu’un jour un de nos copains fut appelé dans le bureau du directeur, là où trônait LE téléphone de la colo.
- Tes parents sont en ligne, lui déclara l'abbé-directeur. Il faut que tu les rassures tout de suite.
Le gamin, un peu ébranlé, le suivi et saisit le lourd combiné en bakélite noire.
- Allo, maman ?
- Allo mon poussin ! Alors c’est vrai, tu vas bien ? Tu n’as rien ? Nous n’avons pas besoin de venir te chercher ?
- Non, maman, Tout va bien. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Dans ta dernière lettre que nous venons juste de recevoir, tu nous as écrit que tu étais dans le plâtre depuis le début de la semaine et nous nous sommes inquiétés. Voilà pourquoi nous appelons la colo qui ne nous a pas informés d’un accident dont tu serais la victime. Le directeur ne sait pas trop ce qui t’a pris d’écrire ça. Alors ?...
- C’est pourtant vrai, maman, je suis dans le plâtre depuis lundi. Avant j’étais en atelier-nature – et maintenant je fais des moulages de nains de jardin en plâtre. Et je pourrai d’ailleurs les rapporter à la maison !
- Ouf, je comprends tout : tu es en atelier-plâtre ; J’aime mieux ça.
La conversation se conclut probablement par quelques effusions verbales et le copain resta la vedette pour la journée : il avait parlé directement avec sa mère au téléphone, dans le bureau du directeur !
Donc après la distribution du courrier et parfois une assistance nécessaire à la lecture assurée par les monos, nous avions tous rendez-vous, en rang par équipe, à l’entrée des dortoirs. Le temps de la sieste était arrivé. Il fallait s’allonger en silence sur nos paillasses pendant une heure et demie. La première heure se passait souvent bien, même s’il n’est pas vraiment aisé de s’assoupir sur commande. Le mono qui nous surveillait bouquinait et on en aurait bien fait autant. Puis progressivement des bras se dressaient par-ci par-là :
- Chef, j’ai besoin d’aller faire pipi !
Et là, catastrophe, toute demande était refusée. Etait-ce pour des raisons de responsabilité ? De discipline ? De commodité ? Les monos restaient inflexibles. Et plus le temps passait et plus l’urgence se manifestait. La plupart des gamins se tortillaient sur leur plumard en gémissant. Certains tentaient de braver l’autorité en se levant et se dirigeant en courant vers la sortie ! Mais leur audace était vaine. Il leur était ordonné de se recoucher.
Aujourd’hui encore je me demande pourquoi il nous fallait subir cette torture. Car parfois, la surveillance de la sieste était confiée à un aide-moniteur qui s’appelait Jean-Louis, plus jeune que les autres, et qui, peut-être par manque de pratique, agissait autrement. Lorsque les premiers bras se dressaient, il désignait du doigt dans l’ordre de la demande, sans prononcer un mot, le colon qui avait le droit de sortir discrètement pour se soulager. Tout se passait très bien et, ça se comprend, quand c’était son tour de nous surveiller, l’aide-mono avait toute notre gratitude.
Voilà.... j'envahis l'espace du forum-évasion avec mes élucubrations - mais en cette période de congés c'est plutôt calme et je me défoule - chacun lit ou passe la rubrique, peu importe - si je dois cesser, il suffit de me le faire savoir - sinon, j'ai des réserves...
bizettes estivales - @+