une petite histoire
Posté : jeu. juil. 28, 2016 3:05 pm
L’été 1964 s’est inscrit dans mes souvenirs de façon particulière.
A Nancy, un prêtre, issu d’une famille campagnarde, avait eu une idée originale pour remédier au désœuvrement putatif de collégiens pendant les congés scolaires.
D’une part il recueillait les demandes de renfort de la part des paysans du secteur lorrain pour la saison, d’autre part il proposait à des ados urbains de partir pendant quelques semaines dans une ferme pour donner un coup de main.
Bien entendu les protagonistes étaient triés pour que les choses se passant le mieux possible – les offres et les attentes de part et d’autre devaient être pertinentes et raisonnables – la rémunération laissée à l’appréciation des paysans n’était pas la condition essentielle – le contexte se situait ailleurs :
- Hébergement / repas à la table familiale …
- Participation aux différentes activités de la ferme
- Périodes de repos et détente / découverte de la proche région…
Il y a (un peu plus de) 50 ans, internet n’existait pas – le religieux avait sensibilisé les postulants en affichant des flyers à l’entrée des églises – mon frère cadet et moi avons tenté cette aventure, pour deux mois et dans la même ferme quelque part dans un trou du Bassigny (voir: ABBAYE DE MARIMONT)
Pour ce qui est du logement, nous avions une chambre au milieu des champs, à quelques km du village, récupérée dans les annexes d’un monastère en ruine, bien sûr sans électricité, mais le matin nous pouvions nous laver dans l’auge d’une fontaine à l’eau cristalline et glaciale – ça réveillait – puis nous rejoignions le couple de paysans qui trayait les vaches dans un local voisin – ils nous préparaient chaque matin un copieux petidéj à prendre sur place dans l’étable.
Ce séjour, un peu fatigant au début, nous a ouvert sur un monde dont nous ignorions tout, jeunes citadins chétifs et pâlichons pétris de préjugés parfois prétentieux – et autant le préciser tout de suite, cette immersion nous a beaucoup plu et marqués.
Nous ignorions tout des réalités de la vraie vie paysanne de cette époque – et en seulement quelques semaines nous avons dû apprendre à charger des remorques de lourdes bottes de foin A LA FOURCHE, à conduire un tracteur Vierzon monocylindre avec 2 remorques, à faner avec des soleils, à « tirer » les vaches laitières à la main quand le compresseur thermique tombait en panne - à engranger dans les greniers – puis assister à des vêlages - castrer, manucurer et antiparasiter les moutons - participer aux soins d’un taureau atteint de « la limace » (avec la fameuse « pommade souveraine" qui empoisonnait au lieu de soigner) - faucher les chardons, cueillir les groseilles, plumer des canards, visiter les ruches et extraire les cadres à miel, apporter à manger aux cochons et aux veaux. Et tout çaaa…
Pour nous distraire et rendre les déplacements plus commodes, nous disposions chacun d’une mobylette – elles nous servaient à retourner dans notre « logement » chaque soir mais aussi pour aller au cinéma - et malgré l’activité intensive et inédite pour nous , nous avons pris du poids grâce à la cuisine préparée par une fille au pair qui s’occupait aussi des enfants de la ferme (je me souviens d’une curieuse soupe qui se composait de ½ d’eau + ½ de lait entier avec beaucoup de vermicelle + sel + sucre).
Un après-midi, le patron nous a emmenés cueillir des champignons dans la forêt – une autre fois on allait à la pêche aux grenouilles.
Bref, notre vision du monde a changé cet été-là et nous avons aussi passé du temps, le soir, après les travaux des champs, auprès d’ un petit vieux qui ressemblait beaucoup à Agecanonix – il était propriétaire d’une grande partie des terres qu’exploitait notre patron, mais il occupait son temps d’une façon tout-à-fait singulière :
> Lorsque le paysan donnait du foin aux bestiaux, il récupérait systématiquement les ficelles qui liaient les bottes et il les apportaient au petit vieux – et celui-ci les nouait bout à bout en veillant à ne pas les emmêler – quand il évaluait qu’il en avait assez pour son projet, il les alignait et accrochait une extrémité à un anneau fixé sur la façade de sa maison – il passait l’autre extrémité à un crochet monté sur un curieux petit wagon tout en bois et à roulette, souvent installé sur la route ou même plus loin si les ficelles nouées étaient longues – puis il s’installait debout sur le wagonnet, un peu comme sur les anciennes bascules des dispensaires, et il se mettait à tourner une grande manivelle qui provoquait la torsion du faisceau de ficelles pour fabriquer une corde de chanvre – de la longueur et de l’épaisseur qu’on voulait – souvent il descendait de son véhicule pour cacher tous les nœuds vers l’intérieur de la corde.
Et bien sûr il nous a permis d’essayer, de fabriquer nos propres cordes !
Et voilà - dans une vie antérieure, j’ai donc aussi été cordelier !
@+ Bizettes agricoles
A Nancy, un prêtre, issu d’une famille campagnarde, avait eu une idée originale pour remédier au désœuvrement putatif de collégiens pendant les congés scolaires.
D’une part il recueillait les demandes de renfort de la part des paysans du secteur lorrain pour la saison, d’autre part il proposait à des ados urbains de partir pendant quelques semaines dans une ferme pour donner un coup de main.
Bien entendu les protagonistes étaient triés pour que les choses se passant le mieux possible – les offres et les attentes de part et d’autre devaient être pertinentes et raisonnables – la rémunération laissée à l’appréciation des paysans n’était pas la condition essentielle – le contexte se situait ailleurs :
- Hébergement / repas à la table familiale …
- Participation aux différentes activités de la ferme
- Périodes de repos et détente / découverte de la proche région…
Il y a (un peu plus de) 50 ans, internet n’existait pas – le religieux avait sensibilisé les postulants en affichant des flyers à l’entrée des églises – mon frère cadet et moi avons tenté cette aventure, pour deux mois et dans la même ferme quelque part dans un trou du Bassigny (voir: ABBAYE DE MARIMONT)
Pour ce qui est du logement, nous avions une chambre au milieu des champs, à quelques km du village, récupérée dans les annexes d’un monastère en ruine, bien sûr sans électricité, mais le matin nous pouvions nous laver dans l’auge d’une fontaine à l’eau cristalline et glaciale – ça réveillait – puis nous rejoignions le couple de paysans qui trayait les vaches dans un local voisin – ils nous préparaient chaque matin un copieux petidéj à prendre sur place dans l’étable.
Ce séjour, un peu fatigant au début, nous a ouvert sur un monde dont nous ignorions tout, jeunes citadins chétifs et pâlichons pétris de préjugés parfois prétentieux – et autant le préciser tout de suite, cette immersion nous a beaucoup plu et marqués.
Nous ignorions tout des réalités de la vraie vie paysanne de cette époque – et en seulement quelques semaines nous avons dû apprendre à charger des remorques de lourdes bottes de foin A LA FOURCHE, à conduire un tracteur Vierzon monocylindre avec 2 remorques, à faner avec des soleils, à « tirer » les vaches laitières à la main quand le compresseur thermique tombait en panne - à engranger dans les greniers – puis assister à des vêlages - castrer, manucurer et antiparasiter les moutons - participer aux soins d’un taureau atteint de « la limace » (avec la fameuse « pommade souveraine" qui empoisonnait au lieu de soigner) - faucher les chardons, cueillir les groseilles, plumer des canards, visiter les ruches et extraire les cadres à miel, apporter à manger aux cochons et aux veaux. Et tout çaaa…
Pour nous distraire et rendre les déplacements plus commodes, nous disposions chacun d’une mobylette – elles nous servaient à retourner dans notre « logement » chaque soir mais aussi pour aller au cinéma - et malgré l’activité intensive et inédite pour nous , nous avons pris du poids grâce à la cuisine préparée par une fille au pair qui s’occupait aussi des enfants de la ferme (je me souviens d’une curieuse soupe qui se composait de ½ d’eau + ½ de lait entier avec beaucoup de vermicelle + sel + sucre).
Un après-midi, le patron nous a emmenés cueillir des champignons dans la forêt – une autre fois on allait à la pêche aux grenouilles.
Bref, notre vision du monde a changé cet été-là et nous avons aussi passé du temps, le soir, après les travaux des champs, auprès d’ un petit vieux qui ressemblait beaucoup à Agecanonix – il était propriétaire d’une grande partie des terres qu’exploitait notre patron, mais il occupait son temps d’une façon tout-à-fait singulière :
> Lorsque le paysan donnait du foin aux bestiaux, il récupérait systématiquement les ficelles qui liaient les bottes et il les apportaient au petit vieux – et celui-ci les nouait bout à bout en veillant à ne pas les emmêler – quand il évaluait qu’il en avait assez pour son projet, il les alignait et accrochait une extrémité à un anneau fixé sur la façade de sa maison – il passait l’autre extrémité à un crochet monté sur un curieux petit wagon tout en bois et à roulette, souvent installé sur la route ou même plus loin si les ficelles nouées étaient longues – puis il s’installait debout sur le wagonnet, un peu comme sur les anciennes bascules des dispensaires, et il se mettait à tourner une grande manivelle qui provoquait la torsion du faisceau de ficelles pour fabriquer une corde de chanvre – de la longueur et de l’épaisseur qu’on voulait – souvent il descendait de son véhicule pour cacher tous les nœuds vers l’intérieur de la corde.
Et bien sûr il nous a permis d’essayer, de fabriquer nos propres cordes !
Et voilà - dans une vie antérieure, j’ai donc aussi été cordelier !

@+ Bizettes agricoles